KARL-HALFDAN SCHILLING : Un converti norvégien – Partie 2

Sources : Les Pères Barnabites de Mouscron

Le scandale de la procession.

La question religieuse, précisément, constituait la seule discordance au sein de cette famille catholique agrandie d’un fils protestant.

Karl-Halfdan est fier d’appartenir à l’Église luthérienne. Respectueux des convictions de ses hôtes, il ne peut toutefois s’empêcher d’observer, de comparer de discuter avec lui-même. La piété et les mœurs exemplaires de la famille Eitel l’impressionnent, mais pas au point de changer d’un coup ses habitudes d’esprit, de faire tomber les préjugés dont il est Imbu. Dans la doctrine catholique, certaines croyances, comme celle de la Présence réelle le heurtent particulièrement.

Or, la Fête-Dieu de cette année 1854 lui fournit l’occasion d’assister à une éclatante manifestation de foi eucharistique. Il se rend, curieux et sceptique, sur le parcours de la procession. Il se mêle à la foule qui envahit les trottoirs. Il contemple, non sans pitié, ces rangs serrés de fidèles, qui s’agenouillent et se relèvent en vagues d’adoration. Le Saint-Sacrement approche, arrive à sa hauteur. Que va faire le beau Norvégien ? Aucune concession à l’idolâtrie des papistes ! Il se maintient debout, le chapeau vissé sur le crâne. Grand comme il est, il ne saurait masquer son geste incorrect. Un murmure l’indignation s’élève et en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, une lourde main s’abat sur la tête de Schilling et envoie son chapeau rouler à terre. C’est bien fait pour lui ! À défaut de plier le genou, il pouvait se découvrir sans faire injure à ses convictions protestantes.

Il n’est pas croyable que l’artiste soit venu avec l’intention délibérée de provoquer un scandale. A moins de supposer que, déjà secrètement travaillé par la grâce, Schilling ait eu une réaction instinctive de défense contre l’inquiétude qu’il sentait poindre dans son esprit et dans son cœur. Sans doute, le grand tort de Karl-Halfdan fut-il de se trouver là, au milieu d’une manifestation catholique, sans avoir réfléchi qu’il pourrait en être gêné dans les entournures. Un peu de fanatisme aura fait le reste, et Schilling n’aura compris que lorsque le mal était fait.

Il rentra penaud à son logis, où le bruit de l’incident l’avait précédé. Il tomba sur des mines consternées. Personne ne songea à lui imputer une volonté sacrilège. Sans quoi, toute la famille, outragée dans sa foi et sa réputation, eût été d’accord pour le congédier. Karl-Halfdan était trop bien élevé pour avoir prémédité le coup, et, si l’envie lui en était venue, la seule pensée de faire de la peine à sa famille adoptive l’eût arrêté. On lui fit néanmoins, et à juste titre, de sévères remontrances. Le jeune homme ne fit aucune difficulté pour reconnaître ses torts et présenter les excuses que réclamait sa fâcheuse étourderie.


Début du 20ème siècle : La bibliothèque des Pères Barnabites