KARL-HALFDAN SCHILLING : Un converti norvégien – Partie 10

Sources : Les Pères Barnabites de Mouscron

« Oui, j’irai à l’autel de Dieu … » (Ps. 42)


Il semblait que Don Charles eût atteint le sommet de sa carrière. Mais Dieu, « qui élève les humbles et rassasie les affamés », combla le désir secret de son serviteur, qui avait généreusement renoncé au sacerdoce pour s’assurer d’être éternellement religieux « tout entier ».

Dans le tréfonds de son cœur, Don Charles n’avait jamais totalement désespéré de devenir prêtre. Au cours de la maladie grave dont nous avons parlé, au milieu du désarroi de son âme anxieuse pour l’avenir, il avait écrit au Père Stub : « J’ai comme le pressentiment qu’un jour je pourrai arriver à dire la sainte Messe ; c’est mon grand désir, mais je dois me soumettre à la volonté de Dieu. »

Or, deux mois après la profession solennelle de Don Charles, le Révérendissime Père Général invitait le Père Piantoni à préparer son sujet norvégien à recevoir les Saints Ordres. Don Charles se mit avec ardeur à l’étude de la théologie et put franchir, dans les délais prévus, les degrés du sacerdoce. Il fut ordonné prêtre le 18 décembre 1875, en la cathédrale de Bourges, des mains de Mgr de la Tour d’Auvergne.

Trois semaines avant son ordination, il écrivait ces lignes à son ami Guillaume Eitel, devenu curé de Calratt : « Vous, mon cher Guillaume, vous comprenez mieux que tout autre pourquoi j’ai prié et vous connaissez mieux les besoins de cet état sublime ; vous m’avez conduit à la vraie foi, conduisez-moi maintenant aussi, par vos prières, au terme de cette foi, afin que je reçoive beaucoup de grâces, et que je vive et travaille dignement, comme il convient à un prêtre de Dieu. Je reçois l’ordination sacerdotale avec procurer à Dieu plus d’honneur. Je la reçois avec tranquillité, parce que, conscient ! de mon indignité, je puis dire : Je ne l’ai pas cherchée, j’accepte avec obéissance ce que Dieu me donne ! »

C’était vrai. L’honneur du sacerdoce, qu’il avait humblement sacrifié, lui fut donné par surcroît.

Sans être, loin de là ! un ignorant dans la science sacrée, le Père Schilling, en raison de son âge et de sa santé, n’avait pu prétendre à une vaste érudition. Une grande sûreté de jugement, jointe à l’expérience des saints, suppléait chez lui à beaucoup de science théorique. Pendant toute sa vie d’ailleurs, il chercha à étendre le champ de ses connaissances. Cependant, même plus savant, son peu d’aptitudes pour les langues romanes l’eût empêché de se livrer, dans l’immédiat, à un apostolat extérieur. Les supérieurs lui confièrent donc des fonctions subalternes : celles de sacristain, d’infirmier, d’instructeur des Frères coadjuteurs, de vice-maître des novices. L’art surnaturel du Père Schilling fut de réussir une vie féconde parmi les plus humbles tâches. En jetant sa palette à la mer, il avait gardé le talent plus précieux de la sainteté. Revêtu du sacerdoce, il se trouvait plus apte que jamais à rayonner autour de lui l’image du Christ, par l’exemple de sa piété, de sa charité, de sa pénitence joyeuse.