KARL-HALFDAN SCHILLING : Un converti norvégien – Partie 6

Sources : Les Pères Barnabites de Mouscron

Une foi éprouvée


Quelques mois après cette conversion, le capitaine Schilling rappelait son fils en Norvège. Était-ce une tentative de conversion à rebours ? Certains ont parlé de pressions dans ce sens, voire de violences. En réalité, nous sommes très peu renseignés sur l’existence que mena le converti jusqu’à son entrée au couvent. Les quelques faits connus sont difficiles, sinon impossibles à dater avec précision. La raison en est que le Père Schilling a gardé, sur cette période de sa vie, un silence quasi absolu.

Il est certain que le capitaine Schilling ne songea nullement à séquestrer son fils. Jusqu’à sa rentrée définitive en Norvège (1863 ? 1865 ?), Karl-Halfdan fit plusieurs séjours, parfois prolongés, en Allemagne. Quant au soi-disant exil en Laponie, nous pensons que le père crut sage d’éloigner quelque temps son fils de la capitale, où sa conversion au catholicisme était considérée comme une tare pour la famille et comme une sorte de trahison envers la religion nationale. En tout cas, la vie de Karl-Halfdan en Laponie ne fut pas celle d’un condamné. Il y résida auprès de son frère marié, dans les vastes propriétés de la famille. Il put s’y livrer à son sport favori, la chasse. Et la nature du Finmarken lui offrit des paysages d’une beauté merveilleuse, capables de tenter sa palette.

On sait également que, dans le temps qui suivit l’abjuration, une idylle s’ébaucha entre le beau Norvégien et la cadette de la famille Eitel. L’abbé von der Burg, confesseur des deux jeunes gens, déconseilla le mariage. Il aurait déclaré à la jeune fille : « Dieu veut faire de Schilling quelque chose de grand. » À côté de cette raison prophétique, il dut y avoir d’autres motifs pour couper court au projet. Précédemment, dans la colonie scandinave, on avait chuchoté (propos malveillants ? taquineries de camarades ?) que la conversion de Schilling n’était que le prélude d’un mariage avec une fille Eitel. N’est-ce pas ainsi qu’en Norvège on eût jugé, ou plutôt mal jugé, l’adhésion de l’artiste à la foi catholique ? S’il est émouvant de découvrir ce côté humain de l’existence du Père Schilling, il l’est plus encore de penser que peut-être il a sacrifié un amour naissant à l’honneur de sa foi nouvelle, ne voulant pas qu’il fût dit que des visées humaines l’avaient déterminé à changer de religion.

Quoi qu’il en soit, dans le Finmarken comme en Allemagne, Karl-Halfdan se fit un devoir de vivre en bon catholique, sans ostentation, mais avec une fermeté digne d’admiration. Depuis quelques années, il existait l’une ou l’autre chapelle catholique dans cette région la plus septentrionale du pays. Pour atteindre un de ces postes, le peintre ne craignait pas de faire des marches de plusieurs kilomètres dans la neige. On le vit, une certaine année, s’imposer un voyage de trois semaines en traîneau, dans le but d’accomplir son devoir pascal.

Nous avons, sur sa vie exemplaire en Laponie, le témoignage de M. Eric Wang, curé de Bergen : « Je me souviens encore en quels termes chaleureux parlaient du peintre Schilling nos prêtres qui desservaient nos stations catholiques de Tromsoë et d’Alten. Ce fait mérite d’être cité à son honneur. Un homme qui possédait de telles convictions religieuses pouvait sans crainte s’adonner à la culture des beaux-arts. »

Schilling n’était pas un converti à demi. Sa foi sut résister à l’épreuve de l’incompréhension, de la défiance et de l’isolement.


Début du 20ème siècle : L’entrée couvent des pères Barnabites